ARTICLES
La mélancolie de l'Occident
1989, Psychanalyse dans la Civilisation n°1
Une question importante, essentielle même puisqu'elle traite de notre survie en tant que Civilisation, s'est imposée à moi : je me suis demandé pourquoi nous, Occidentaux, semblons condamner notre avenir en ne faisant plus guère d'enfants, alors même que cela équivaut, à terme, à un suicide collectif ?
...Et le pouvoir absolu corrompt absolument
1989, Psychanalyse dans la Civilisation n°1
Certains philosophes pensent que la supériorité morale que nous attribuons aux Etats respectueux des Droits de l'Homme est sans base théorique et doit donc s'appuyer uniquement sur la puissance de ses tenants. C'est une théorie dangereuse en ce qu'elle ne pose pas de différence de nature entre ceux qui croient à la primauté de la loi sur la force et ceux qui n'y croient pas.
Œdipe et droits de l'homme
1990, Psychanalyse dans la Civilisation n°2
On entend souvent dire, et plus encore en ces temps de bicentenaire, que la supériorité des Etats de Droit sur les Etats Totalitaires n'a pas de justification théorique et que seule notre capacité de convaincre (certains parlent même de rapports de force) peut faire triompher la Démocratie.
Eloge de l'hystérie - Pensée créatrice & Pensée organisatrice
1990, Psychanalyse dans la Civilisation n°3
Le psychisme me semble se développer, pour une part du moins, grâce à un dualisme dynamique qui oppose, ans une indissoluble complémentarité, deux formes de pensé : ne pensée créatrice, sans cesse occupée à inventer et une pensée qui organise ce que la première a créée. Ces deux formes de pensée induisent deux formes de défenses, qui ne sont pas l'apanage des seuls êtres humains, mais traversent tout le vivant : les défenses créatrices et les défenses protectrices.
Ces deux façons d'être se partagent, à mon sens, le devenir des êtres vivants. Ce sont des modalités qu'on peut retrouver) poussées à leur extrême pathologique, sous la forme des deux grandes névroses : l'hystérie et la névrose obsessionnelle.
Une civilisation adolescente. Eloge du Relatif
1991, Psychanalyse dans la Civilisation n°4
« Il existe une chose pire que l'athéisme, c'est le satanisme: c'est-à-dire la conviction qu'on est Dieu. »
G. K. Chesterton
On entend souvent dire que notre civilisation est en train de mourir, que c'est la fin de notre culture et de l'Histoire. En réfléchissant à ces thèmes, il m'est apparu qu'une autre hypothèse était concevable, celle qui soutiendrait que nous sommes à peine en train de sortir de l'enfance.
Un être humain, après la gestation, va lentement se dégager de la sphère maternelle pour devenir un enfant, s'appuyer sur le père, puis aborder l'adolescence et enfin devenir un adulte.
L'impossible deuil des morts perdues. "Eloge des rituels"
1991, Psychanalyse dans la Civilisation n°5
Les auteurs qui se préoccupent des inguérissables plaies qu'ont créées, que créent encore les "morts sans sépulture" sont de plus en plus nombreux. Ils ne s'intéressent plus seulement aux survivants des génocides qui ont ensanglanté et ensanglantent encore notre planète, mais aux descendants à la deuxième, voire à la troisième génération, de ceux qui ont disparu sans laisser de traces.
Ces tragédies immenses, ces centaines de milliers, ces millions de morts hantent nos mémoires et le souvenir de l'Holocauste, du massacre des Arméniens, des Kurdes, des Cambodgiens et de tant et tant d'autres victimes doit à jamais demeurer vivant en nous. (Dans ce même numéro, l'excellent article d'Hélène Piralian nous éclaire remarquablement sur ce sujet.)
Le bêlement du tigre - Sado-masochisme et névrose de destinée
1992, Psychanalyse dans la Civilisation n°6
Une question me trouble comme elle trouble, je crois, beaucoup d'entre nous : quelle est la cause de l'agressivité humaine, de celle qui mène aux guerres, aux génocides, aux goulags...?
Ces êtres de violence qui ont torturé et mis à mort des millions de nos semblables, sont-ils comme nous? Et sinon, où se situe la différence ?
A vrai dire, il n'y a pas grand monde, à l'heure actuelle, pour soutenir qu'ils sont "d'une autre race", car c'est justement cette idéologie-là qui prétend que les hommes ne font pas tous partie de la même espèce.
Qu'as-tu fait d'Abel ? Une cause inconsciente de la guerre
1992, Psychanalyse dans la Civilisation n°7
"Il advint que Caïn présenta des produits du sol en offrande à Yahvé et Abel, de son côté, offrit les premiers nés de son troupeau et même de leur graisse. Or Yahvé agréa Abel et son offrande. Mais il n'agréa pas Caïn et son offrande, et Caïn en fut très irrité et en eut le visage abattu."
"Yahvé dit à Caïn: "Pourquoi es-tu irrité et pourquoi ton visage est-il abattu ? Si tu es bien disposé, ne relèveras-tu pas la tête ?
Mais si tu n'es pas bien disposé, le péché n'est-il pas, à la porte, une bête tapie qui te convoite ? Pourras-tu la dominer ?"
Cependant Caïn dit à son frère Abel: "Allons dehors" et, comme ils étaient en pleine campagne, Caïn se jeta sur son frère Abel et le tua."
Genèse
L'omnipotence du psychanalyste
1993, Psychanalyse dans la Civilisation n°8
Un cas particulier de risque de retour à l'omnipotence infantile m'est apparu comme exemplaire (peut-être seulement parce que j'ai pu l'étudier de plus près), c'est celui du psychanalyste.
J'y ai vu une collusion entre la part omnipotente du patient et la toute-puissance qu'il projette sur son analyste. Parfois aussi, éventuellement, la réactivation que cette idéalisation de la part de son patient peut réveiller d'omnipotence infantile inconsciente chez l'analyste lui-même.
(Cas rare, espérons-le).
Maîtrise des émotions, emprise et analité
1995, Revue française de psychanalyse n° 59
Au cours de l'éducation à la propreté, l'enfant fantasme qu'il est le maître des sentiments de sa mère : il la rend heureuse s'il accepte de déposer ses selles/cadeau dans le pot, il l'agresse et la rend triste s'il s'y refuse. Si la mère est incapable de restituer l'identification projective de son bébé après l'avoir modifiée par son amour et sa rêverie, l'enfant réintrojectera son angoisse ainsi que sa maîtrise omnipotente. Les émotions de Louis n'ayant pas trouvé de contenant maternel efficace, il s'était créé une carapace qui l'isolait de ses émotions et de celles des autres. Perdre cette carapace signifiait perdre le contrôle des émotions dangereuses mais aussi perdre sa mère qu'il avait enfermée dans son intestin et contrôlait ainsi fantasmatiquement.
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Fonctions structurantes et contenantes des rituels de deuil
1996, Revue française de psychanalyse n° 60
La nécessité de se défendre contre l'irreprésentable du néant et de la mort de l'autre déclenche le travail du deuil et permet de mettre le souvenir vivant de celui qui est mort à l'abri dans notre psyché. Les rituels de deuil aident ce passage de l'extérieur vers l'intérieur: ils structurent le temps du survivant et l'obligent à retirer une partie des investissements attachés au défunt pour les transférer aux rituels. Ceux-ci, venus de la nuit des temps, gardent une tonalité sacrée qui relie l'endeuillé aux ancêtres qui deviennent dès lors un objet contenant.
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Nudité édénique et jalousie pathologique
1997, Revue française de psychanalyse n° 61
La suppression du slip dans les clubs nudistes ou chez soi efface la limite entre les organes sexuels et le reste du corps et revient à nier la spécificité de la sexualité à proner l'indifférencié. Cela peut entraîner des troubles du comportement chez l'enfant puis l'adulte; dans le cas ici relaté, il s'agit d'une jalousie pathologique où la patiente clivait la sexualité : la sienne était réduite et pure, tandis qu'elle projetait sur son compagnon une sexualité sans limites qui provoquait sa jalousie, elle aussi sans limites.
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Croyance et réalisation hallucinatoire du désir
1997, Revue française de psychanalyse n° 61
S'appuyant sur la théorie freudienne, l'analyse de trois cas montre que la croyance personnelle est une réalisation hallucinatoire de désir. La croyance commune, non pathologique, obéit aux mêmes mécanismes mais peut être mieux définie par la théorie de Bion sur la préconception/réalisation.
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Ambivalence et défi, Marcel Proust et son père
1999, Revue française de psychanalyse n° 63
Adrien Proust est présent dans les romans de son fils sous les traits du père, du médecin et de Vinteuil. Par la comparaison entre le souvenir d'une maladie du jeune Marcel et le récit qui en est fait dans La Recherche on peut voir la douleur de l'auteur devant l'abandon par le père de son rôle de représentant de la loi, tandis que la souffrance de celui-ci est décrite comme étant celle de Vinteuil, un autre père déchiré par l'homosexualité de son enfant.
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