Pourquoi on en veut aux gens qui nous font du bien?

2006, Paris, Payot
Le don, la dette, et la rancune.
Marcel Mauss a découvert le Potlatch (c'est-à-dire les rituels qui règlent les échanges entre les ethnies) d'abord en Amérique du Nord pour constater ensuite qu'on les rencontre partout dans le monde et qu'ils existent depuis des millénaires.
Ces coutumes obligent la tribu qui a reçu un cadeau de la part d'une autre tribu à lui donner à son tour un cadeau au moins aussi important que celui dont elle a bénéficié, faute de quoi elle sera exclue de la communauté et considérée comme inférieure.
Le cadeau gratuit n'existe donc pas, car tout don crée une dette qui doit être apurée sous peine de graves conséquences.
Or les échanges entre personnes suivent les règles du potlatch, mais avec quelques variantes car il s'agit alors de dons affectifs et que tout don, même matériel, comporte une part d'affect.
Ces échanges ne sont pas codifiés et ils restent le plus souvent secrets mais les relations entre adultes étant régies par l'échange, là aussi tout don affectif réclame une réciprocité.
Et c'est ce qui se produit le plus souvent. Mais une dette affective peut parfois être sous ou sur évaluée.
Dans le premier cas, les bénéficiaires se croient obligés d'offrir constamment et de façon exagérée des dons, matériels et/ou affectifs à celui qui leur en à fait un.
D'autres, au contraire, dans un mouvement de déni omnipotent, croient que tout leur est du et ne se sentent aucune obligations envers ceux qui lui ont fait du bien.
Mais tous en veulent au donateur : ceux qui « payent » exagérément parce qu'ils n'arrivent pas à se libérer de leur dette imaginaire et ceux qui refusent la moindre réciprocité parce qu'ils savent inconsciemment qu'ils ont une dette affective qu'ils ne veulent pas reconnaître.
Gabrielle Rubin © tous droits réservés
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